UNE INTRODUCTION AU HATHA VIDYA
La cosmogonie Tantrique

 
Le Hatha Vidya, système scientifique développé dans la méthode tantrique, dévoile des thèses englobant une cosmogonie générale à laquelle se rattachent des sciences particulières telle qu’une astrologie, une physique, une alchimie, une physiologie et une thérapeutique. Mais ces théories sous-tendent une quête des plus ambitieuses : le déconditionnement absolu de l’être, réalisé « dans et par le corps ».
L’entraînement que constitue le hatha yoga représente en cela la raison d’être et le couronnement de l’édifice.

 

Le Hatha Vidya, un point de vue de la réalité

 
Le Hatha Vidya, comme tout autre système scientifique, ne prétend pas être l’expression d’une vérité absolue mais seulement un ensemble de lois permettant de décrire et modéliser les phénomènes que nous observons. La seule affirmation non hypothétique de la science tantrique est que ces phénomènes, s’ils sont considérés comme une vérité absolue extérieure et indépendante de nous, sont une illusion.
Or le tantrisme admet l’existence d’un autre mode de connaissance, plus intuitif, qui permet d’atteindre la réalité en soi sans faire appel à la pensée discursive.
L’objet principal du Hatha Vidya, connaissance hypothétique et relative, est de faciliter l’accès à la connaissance absolue qui s’acquiert, elle, par l’entraînement du hatha yoga.
Et dans la mesure où cet objectif ne se cantonne pas à la recherche de la maîtrise des forces de la nature comme c’est le cas pour la science occidentale, le matériau utilisé par le Hatha Vidya intègre non seulement celui que nos sens nous révèlent mais également celui de domaines dits « extra normaux »,  ouvrant ainsi des perspectives beaucoup plus larges.
 
Ainsi donc la science tantrique ne s’attache pas aux seuls aspects matériels de notre existence.
Le Hatha Vidya considère la matière (prakriti) comme une sorte de miroir reflétant les états de conscience émis par l’Esprit (purusha) et qui lui sont renvoyés sous forme de sensations.
Prakriti est le lieu des sensations, la dernière étape du cheminement des états de conscience générés par purusha.
Pour C. Kerneïz, purusha est donc pourvoyeur de tous nos états de conscience. Cette conception diffère notoirement de celles décrites par Mircea Eliade dans Patanjali et le yoga et Jean-Michel Varenne dans les yogas pour qui purusha est "un principe simple, autonome, non impliqué dans l’activité mentale ou sensorielle" tel que seule la partie la plus subtile de la vie mentale, l’intelligence (buddhi) sous son mode de pure luminosité (sattva) a la qualité de pouvoir le refléter.
Les deux auteurs attribuent l’origine de nos états de conscience à nos mémoires subconscientes,  réceptacle de tous nos actes, gestes et intentions égoïstes, et ils décrivent l’enjeu de tous les yogas comme étant la délivrance de ces états de conscience asservissants par une révélation intérieure au cours de laquelle « l’Esprit se reconnaît lui-même libre de toute éternité ».
Kerneïz quant à lui, fait de Brahma notre « Moi véritable », celui avec lequel nous fusionnons lorsque la libération est atteinte. Or purusha n’est-il pas la déclinaison individuelle du Brahma universel ?
Cependant les trois auteurs s’accordent pour affirmer que matière et esprit, prakriti et purusha, proviennent d’une même source, voire d’une même substance, et les théories tantriques comportent un ensemble de modélisations qui englobent ces deux principes, réduisant considérablement les zones d’ombre dont notre science occidentale se contente avec complaisance.

Un Univers en 5 dimensions

 
La représentation tantrique de l’Univers est basée sur un système de cinq sphères concentriques allant de la sphère matérielle située à la périphérie jusqu’à la sphère psychique, dernière étape avant le point central nommé bindu ou encore Brahma, figurant le principe originel, le Moi unique.
En progressant depuis la sphère matérielle vers le centre (bindu), les autres plans rencontrés sont le plan vital (prana), la sphère mentale (manas), la sphère animique (vijnana) et la sphère psychique '(ananda).
Cette structuration est présente partout, « sur Terre comme sur les astres, chez les êtres vivants comme chez ceux qui sont inanimés, dans le soleil comme dans les atomes ».
Chaque entité comporte donc, dans des proportions variables selon sa nature, une dimension matérielle, une dimension subtile, une dimension mentale, une dimension animique, une dimension psychique et au centre, un principe absolu, unitaire, libre de tout conditionnement.
Et si la sphère matérielle constitue le seul domaine d’investigation de la science occidentale, le plan vital est quant à lui le terrain de prédilection de la science tantrique.
Notons que la sphère pranique est conventionnellement divisée en deux parties : la partie inférieure constituée par l’interface avec la sphère matérielle et la partie supérieure tournée vers les niveaux les plus  subtils.


La création

 
La création, conceptualisée par le Hatha Vidya, est de nature psychique : c’est « le développement d’une pensée en un univers de pensées », un potentiel (parabrahman) qui se libère dans un premier temps sous une forme élémentaire symbolisée par le point originel bindu / Brahma. S’en suit une succession d’expansions / résorptions qui caractérise chaque création et qui est assimilée par le tantrisme à une respiration, au souffle de Brahma : svara.
 
Svara est la substance universelle, à la fois énergie, vie et pensée. Il peut être comparé à une onde dont les modulations donneront naissance à tous les êtres créés.

La mise en mouvement de svara trouve son origine dans la rupture de l’équilibre établi  entre les trois qualités (gunas) qui sont tamas l’inertie, rajas l’énergie et sattva la luminosité. La première pensée de Brahma a rompu l’état de « non-activité » qui régnait,  déclenchant ainsi un mécanisme continuel que l’on peut observer dans tous les phénomènes de la vie : l’inertie (tamas) tend à conserver un équilibre qui se trouve à terme toujours brisé par une impulsion (rajas), induisant ainsi l’éternel changement de l’Univers dans lequel la luminosité (sattva) est le garant d’une harmonie sans laquelle tout ne serait que chaos.
Or cette mise en mouvement est polarisée. Le déséquilibre des gunas se manifeste au commencement du Tout par une action induite par un principe actif ou mâle (Ha) dans lequel prédomine rajas, accompagnée de la réaction d’un principe passif ou féminin (Tha) dans lequel prédomine tamas.
 
De plus, un autre phénomène vient s’ajouter au mouvement  de svara : le processus d’individualisation (ahankara) qui va l’amener à prendre conscience de lui-même et se considérer comme une entité distincte et indépendante de Brahma.

Une combinaison de 5 éléments

Théorie musicale

 
Le dédoublement de svara en polarisation positive et négative va également provoquer des changements dans sa nature. Si l’on compare svara au souffle de musiciens, les notes utilisées dans la grande symphonie universelle sont au nombre de cinq (les bhutas) : akasha, vayu, agni, ap et prithivi. Ces cinq notes concordent avec les cinq éléments de l’alchimie des Hermétistes : akasha correspond à l’éther, vayu à l’air et à l’état gazeux, agni au feu et à l’état igné, ap correspond à l’eau et à l’état liquide et prithivi à la terre et à l’état solide.
Ces cinq notes se répètent sur cinq octaves, correspondant aux cinq sphères précitées : la première correspond à la sphère psychique, la deuxième à la sphère animique, la troisième à la sphère mentale, la quatrième à la sphère vitale et la cinquième à celle de la matière, la seule que nos sens nous permettent de percevoir.
Au même titre qu’une œuvre musicale résulte d’une combinaison de notes, tous les phénomènes dans l’Univers procèdent des combinaisons des bhuta. Or le nombre des combinaisons des bhuta croît en proportions géométriques à mesure que l’onde créatrice de svara se propage à partir du bindu pour atteindre, à la périphérie, la sphère matérielle. Cependant, plus le nombre de combinaisons augmente, plus les possibilités de discordance se multiplient. C’est donc dans la sphère psychique que l’on trouve le plus d’harmonie alors que la sphère matérielle est la plus cacophonique de toutes.
 

Théorie atomique

 
La théorie des bhuta peut également être abordée sous un aspect plus proche de notre théorie atomique. A l’origine, chaque bhuta est une unité homogène, comparable à ce que Leibniz nomme une monade : « l’unité substantielle demande un être accompli, indivisible et naturellement indestructible, puisque sa notion enveloppe tout ce qui lui doit arriver, ce qu’on ne saurait trouver ni dans la figure ni dans le mouvement » (la Monadologie, rédigé en 1714).
A mesure que le Souffle svara s’éloigne du bindu originel, l’unité devient multiplicité et des monades secondaires apparaissent, encore plus petites et encore plus nombreuses. Les bhuta sont donc assimilés à des substances discontinues composées de monades secondaires indépendantes. Alors que nos atomes n’existent que sur le plan purement matériel, les monades secondaires se manifestent dans les cinq sphères de la Création : elles sont à la fois énergie, matière, vie et pensée. Leurs combinaisons sont transcrites par les tantriques de façon analogue à nos formules chimiques et chaque bhuta est représenté par une lettre de l’alphabet sanskrit:
 
- H (ham) pour akasha, l’éther.
- P (pam) pour vayu, l’air.
- R (ram) pour agni, le feu.
- V (vam) pour ap, l’eau.
- L (lam) pour prithivi, la terre.
 
On peut donc trouver des formules de bhutas du type : HP2V6.
 
Autrement dit, les bhutas ne se trouvent à l’état « pur » que dans la sphère psychique, la plus proche du centre, alors qu’à partir de la sphère animique, on ne trouve que des combinaisons de bhutas. C’est ainsi que la sphère matérielle ne comporte plus aucun bhuta à l’état « pur » mais uniquement des combinaisons, sortes de molécules, telles que chaque monade secondaire est formée d’une demi monade secondaire du bhuta dominant et d’un huitième des quatre autres.
 
Si l’on applique à cela le phénomène de polarisation décrit plus haut, les bhuta à dominante positive sont ceux qui exercent une action alors que ceux à dominante négative la subissent.
L’Homme, petit univers représentatif du Grand Univers, possède un corps matériel, formé de matière sur laquelle agissent les forces de la sphère matérielle : la lumière, la chaleur, la pesanteur. Mais il possède également un corps pranique composé de substances subtiles sur lequel agissent les forces qui engendrent et entretiennent le mécanisme vital. En poursuivant l’application des théories tantriques, l’Homme se décline ensuite dans sa dimension manique, dont les manifestations sont les idées et des sentiments, puis dans celles animique et psychique.
 

Le temps et l’espace

 
Alors que la conception occidentale place tout phénomène dans un repère fixe de temps et d’espace, les tantriques affirment que les bhuta ne sont situés ni dans l’espace ni dans le temps mais qu’ils sont à la fois énergie ou matière et leur temps et leur espace. Il n’existe pas de temps ni d’espace universel mais il y a autant de catégories d’espaces et de temps que de bhuta, cinq en tout. Notons tout de même une sixième catégorie d’espace/temps, empirique celle-la, correspondant à celle de notre usage courant, issue d’un mélange emprunté au temps et à l’espace de chacun des cinq bhuta.

Akasha, le cinquième élément

Dans cette approche tantrique, le bhuta akasha demeure l’élément le plus mystérieux, celui que nos sens ne sont pas en mesure de percevoir directement et qui occupe pourtant la première place dans la composition de toute substance.
Car akasha est le premier bhuta à se manifester lors de la création, celui dont tous les autres procèdent. C’est une substance amorphe indifférenciée. Sous l’aspect positif, le tantrisme assimile akasha au son. La première modulation de svara serait donc une modulation sonore et ce serait par l’intermédiaire des sons et du rythme que l’on peut agir sur les forces secrètes d’akasha.
Sous son aspect négatif, akasha n’est ni solide, ni liquide, ni gazeux, mais la « substance mère » de tous les corps, ce que les hermétistes appelaient l’Ether ou Quinte Essence.

 
L’expansion de l’Univers s’effectuerait, d’après les théories tantriques, selon les lignes spirales d’un tourbillon, figurée par une conque.

Or akasha est non seulement énergie et matière primordiales, il est également le temps primordial, structuré en conséquence sous la forme spirale d’une conque.

 Notre mesure du temps, qui semble obéir à une loi purement linéaire, est pourtant fondée sur des repères cycliques : un jour correspond au temps séparant deux passages consécutifs du soleil au méridien d'un lieu, une année correspond à une révolution de la terre autour du soleil…Mais ces retours périodiques ne sont jamais de véritables retours car ce n’est jamais au même jour ni à la même année que l’on revient le matin suivant ou au 1er janvier.
La course du temps s’apparente d’avantage à un mouvement en spirale qui ramène à un point symétrique du point de départ.
 

Le plan de prédilection d’akasha est la sphère psychique, « siège de la pensée intuitive pure qui saisit l’essence des choses sans l’intermédiaire des symboles ». Faculté non développée chez l’Homme et que l’entraînement du yoga permet d’approcher, notamment grâce à l’utilisation des formules rythmées incantatoires que sont les mantras.
 

Les quatre éléments

Les quatre bhuta :vayu, agni, ap et prithivi font partie de notre domaine familier, et leur manifestation sur le plan matériel constitue l’ensemble des phénomènes de notre monde sensible.

 Vayu

L’apparition de vayu, l’élément air figurant l’état gazeux, suit immédiatement celle d’akasha dans l’ordre de la création. Rappelons que le mot gaz vient du grec « kaos » et qu’il désigne une matière qui n’a  pas de forme ni de volume propres et dont les particules sont très faiblement liées. akasha, matière cosmique indifférenciée froide et noire qui évolue en tourbillons spiraux, ne contient de l’énergie uniquement qu’à l’état potentiel.
Vayu marque le premier stade d’une organisation de la substance cosmique akashique grâce à une force nouvelle : la gravitation. Sous son action, des noyaux denses apparaissent et l’impulsion de vayu, qui va s’exercer tangentiellement, va imprimer un mouvement de rotation générateur de formes sphériques.
La matière n’est alors qu’à l’état gazeux, obscure et froide, n’émettant ni lumière ni chaleur. Les monades secondaires d’akasha s’agglomèrent par la gravitation et créent les premières étoiles, énormes sphères entièrement gazeuses et de très faible densité.
Le tantrisme associe à vayu la forme sphérique car il marque le passage de l’espace spirale d’akasha à l’espace sphérique que nous connaissons.
Caractérisé par ses trois dimensions, cet espace sphérique nous est familier grâce aux sensations tactiles que nous expérimentons lorsque nous nous déplaçons. Le toucher est considéré par le tantrisme comme la correspondance sensorielle de vayu.
Mais vayu, comme les autres éléments, se retrouve non seulement dans la sphère matérielle mais également sur les autres plans et exerce sa prédominance sur la seconde à partir du bindu : la sphère animique. Dans la sphère pranique vayu correspond à un état « fluidique » et s’applique à des substances praniques de natures différentes au même titre que le mot gaz s’applique à des corps chimiques de natures différentes. Or la sphère pranique est décomposée en deux parties et vayu prédomine dans la région « supérieure » où la substance se nomme prana.
 

 

Agni

 Le troisième élément de la nomenclature tantrique est agni, le feu et l’état igné.
Après que vayu eut engendré des énormes nébuleuses obscures et froides sous l’effet de la gravitation, ces gigantesques masses gazeuses ont commencé à s’échauffer pour devenir incandescentes. La chaleur ainsi produite va libérer un rayonnement lumineux dont la couleur, rouge au départ, a évolué vers le jaune avec l’accroissement de la chaleur pour finir blanc. 
Dans la création tantrique, agni apporte deux nouvelles énergies : la chaleur et la lumière.
Sur le plan matériel, agni n’est pas à proprement parlé un état de même nature que les états gazeux, liquide et solide. Il joue un rôle déterminant dans le passage de l’un de ces états à un autre : la chaleur fait passer de l’état solide à liquide et de l’état liquide à gazeux.
Mais la fonction la plus remarquable de cet élément est son lien incontournable avec la vie qui naît et s’entretient par des séries de combustions faisant d’agni l’agent universel de la vie.
Générateur de lumière, le tantrisme lui associe le sens de la vue et lui attribue la forme triangulaire, forme géométrique plane dans laquelle évolue notre sens visuel. En effet, d’un point de vue physiologique, notre vue ne nous révèle qu’un espace plan, et c’est par un procédé de triangulation que nous mesurons notre espace visuel, la troisième dimension résultant d’une interprétation subconsciente.
Et si la troisième sphère, manas, appartient en propre à agni, sa manifestation dans la sphère subtile est l’équivalent de la lumière et de la chaleur sur le plan matériel et s’apparente à ce que les hermétistes désignaient sous le nom de « lumière astrale ».
 

 

 Ap

Le bhuta à apparaître dans la quatrième étape de la Création est ap, correspond à l’élément eau et à l’état liquide.
En effet, la matière gazeuse incandescente va se liquéfier sous l’action du refroidissement et de la compression.
Le tantrisme attribue à ap la forme semi-circulaire, en référence au ménisque concave que forme la surface de l’eau dans un verre, par exemple, sous l’action de la tension superficielle appelée aussi énergie de surface. C’est ainsi qu’au sein d'un fluide (liquide ou gaz), les molécules exercent entre elles des forces d'attraction ou de répulsion répondant à des lois électriques et électrostatiques permettant, entre autre, à un liquide de ne pas se répandre dans l’air. Ce phénomène d’attraction et de répulsion a été comparé par les tantriques à celui que les Hommes éprouvent pour les aliments et ap a ainsi été associé au sens du goût.
Et alors qu’agni communique aux corps une force d’expansion en les réchauffant, ap est quant à lui caractérisé par un mouvement de contraction accompagné d’un refroidissement.
Ces deux éléments exercent une action réciproque incontournable dans toute forme de vie. Vie qui serait apparue sur terre au sein des eaux sous l’action féconde de la chaleur.
La sphère vitale est, tout naturellement, le domaine d’ap et dans la mesure où vayu domine le plan pranique « supérieur » dont la substance constitue le prana, ap prédomine dans la substance du plan « inférieur » nommé apana. 
 
 

Prithivi, la dernière étape

 
Le dernier bhuta à apparaître dans la création est prithivi qui correspond à l’élément terre et à l’état solide.
Les conditions de température et de pression du milieu ambiant après l’apparition d’ap vont provoquer la formation de matière solide essentiellement par voie de cristallisation, caractérisée par l’arrangement spatial des particules selon un emboîtement parfait constituant un solide homogène de forme parallélépipédique.
C’est ce qui a incité les tantriques à associer à prithivi la forme cubique.
« Prithivi, qui marque la dernière étape de la création, celle où svara parachève son œuvre en la fixant dans une gangue cristalline, implique une idée de réalisation, de but atteint et de désir satisfait ….marque en même temps le point de départ du retour involutif de la chose créée au Créateur, Brahma..» C.Kerneïz

 
 Rappelons que chaque bhuta est présent sur chacune des cinq sphères et ses modifications qui interviennent sur l’une d’entre elles, entraînent des modifications correspondantes dans les autres.

 

La Vie

 
La différence fondamentale entre les corps inanimés et ceux dits vivants, est que les premiers subissent une loi de causalité efficiente alors que les seconds sont guidés par une finalité, donnant à la vie un caractère miraculeux au regard des lois qui régissent la matière.
La doctrine tantrique explique ce phénomène par l’intervention du souffle subtil, le prana : la vie est apparue quand le prana a animé la matière. Or cette « fécondation » de la matière par le souffle n’a pu s’opérer que dans des conditions thermodynamiques particulières, à un stade suffisant de refroidissement de la planète tel que l’eau se présentait sous sa forme liquide. C’est ensuite l’action du prana « primitif» ou « inférieur », appelé apana, qui a façonné en formes différenciées le plasma disséminé dans les eaux océaniques.
La « fécondation » de la matière par apana a provoqué l’apparition de masses protoplasmiques qui se sont multipliées par division cellulaire. La seconde phase de la création du monde vivant a consisté en l’introduction d’entités du plan subtil « supérieur » (dont la substance est prana) sur les éléments protoplasmiques existants.  Ces entités, incapables d’animer directement la matière, n’ont pu intervenir qu’une fois le travail de base réalisé par celles du plan subtil « inférieur », dont la substance est apana.
La création du monde vivant résulte donc de la symbiose de deux ordres d’êtres différents : l’espèce « apanique » et l’espèce « pranique ». La première fournit des matériaux vivants que la seconde nourrit, conserve et perpétue par le biais des cellules reproductrices.
Selon le degré d’évolution des êtres, le principe « apanique » peut s’avérer prépondérant, comme chez les végétaux et certains animaux qui sont entièrement subordonnés à l’espèce, alors que pour l’Homme, par exemple, les principes « apanique » et  « pranique » disposent d’une puissance équivalente, générant cependant un conflit perpétuel.
 
 

Conclusion

 
Pour conclure cette introduction au Hatha Vidya, je ne résiste pas au plaisir d’un petit exercice de synthèse, reprenant les notions principales que j’ai pu explorer.
 
Les phénomènes que nous observons et vivons ne sont que le reflet de nos états de conscience sur le miroir des sensations. La finalité la plus profonde de tout t^être est de se déconditionner de ce mécanisme asservissant en coupant le flux de ses états de conscience pour accéder à l’unité absolue caractérisée par une connaissance directe et intuitive des choses.
La science tantrique tente d’expliquer de façon hypothétique les phénomènes dévoilés par nos états de conscience afin de faciliter l’accès à la connaissance suprême qui peut s’obtenir par l’entraînement du hatha yoga. 
Pour cela, la science tantrique (Hatha Vidya) nous situe dans un univers à cinq dimensions concentriques dont les différents plans sont caractérisés en fonction de leur éloignement du centre originel, principe « pur » et absolu.
Cet univers a été « mis en route » par une pensée originelle qui a provoqué la rupture de l’équilibre qui régnait entre les principes d’inertie, d’impulsion et d’harmonie.
A la suite de quoi une onde, dédoublée en un principe actif et un principe réactif supervisés par un principe « lumineux », s’est propagée depuis le point d’origine en se démultipliant et se complexifiant. Ce processus a été complété par un phénomène d’individualisation qui pousse chaque entité engendrée à prendre conscience d’elle-même.
Le mouvement général de cet univers consiste en une succession de propagations/complexifications et résorptions/purifications.
 
L’expansion de la matière cosmique indifférenciée akasha s’effectue dans un premier temps dans un mouvement spiral anarchique que vayu, l’élément air, va venir organiser grâce à l’apparition d’une force gravitationnelle qui va créer des agglomérats de particules gazeuses.
Compressées par la gravitation et entraînées dans un mouvement de rotation sous l’impulsion de vayu, ces nébuleuses gazeuses vont commencer à s’échauffer et produire chaleur et lumière, autrement dit agni. Puis sous l’effet des conditions de température et de pression ainsi générées, ces masses gazeuses incandescentes vont se liquéfier puis se solidifier,  pour former la base des composants de l’univers que nous connaissons.
Après sa formation, notre terre a traversé une longue période de déchaînement des éléments avant qu’une amorce de refroidissement ne rende possible la « fécondation » du plasma présent dans l’eau des océans par le prana « primitif » : apana. Une fois les masses protoplasmiques ainsi animées, le prana « supérieur » a pu venir s’y greffer provoquant une évolution des corps cellulaires vers des êtres plus aboutis tels que les espèces végétales et animales.  
 
Les tantriques attribuent à notre terre le grand âge de 1 milliard 970 millions d’années et évaluent son cycle total d’existence à 4 milliards 320 million d’années.
 
 

Lara C.
octobre 2008