Par Virginie ROSIER VARAGNAT

 

Un enseignant de yoga est-il un simple transmetteur d’un savoir ancestral, ou bien transmet- il aussi une petite part de lui-même lorsqu’il enseigne ?

Quelle est la part de créativité du professeur ? Y a-t-il dans un cours de yoga une place pour sa propre essence, pour ce qui fait sa spécificité ? Et si oui quelle(s) forme(s) cette part de lui-même peut elle prendre ?

Le yoga est à mon sens beaucoup plus qu’une technique de bien être. Son origine remonte à plusieurs milliers d’années avant notre ère. Il a été transmis de génération en génération par des maîtres qui ont réussi l’exploit d’en conserver l’essence, l’efficience et la cohérence.

C’est un savoir d’une richesse extraordinaire pour qui s’y intéresse. Un véritable art de vivre. J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour cela.

Enseignante de yoga en cours de formation, qui serais-je pour envisager d’adapter à ma façon des enseignements que le sage Matsyendra tiendrait lui-même directement de Shiva ?

Toutefois, est-il vraiment possible ou même souhaitable d’enseigner le yoga sans y mettre une part de soi ? C’est ce sur quoi je vous invite à réfléchir en adoptant successivement différents points de vue.

 

Du point de vue des évolutions du yoga

 

Il parait difficile, compte-tenu de son ancienneté, de savoir si tout est ou non parti d’un seul et même yoga. Il semble toutefois que dès les origines, si l’on remonte loin dans le temps, il y ait eu différentes voies (mârga) :
Des yogas religieux (Bakti Yoga), des yogas plus intellectuels (Jnana Yoga), le yoga de Patanjali (Ashtanga Yoga classique), des yogas tantriques (davantage basés sur l’énergie que sur des considérations morales)...
On peut donc déjà en déduire qu’un grand nombre de personnes ont influencé, interprété à leur façon ou adapté le ou les yogas suivant diverses aspirations.

 

Aujourd’hui l’offre proposée dans le monde sous l’appellation - non contrôlée - yoga n’a jamais été aussi diverse et variée : des yogas traditionnels (dont le Nâtha-Yoga que je pratique), d’autres beaucoup plus modernes comme le Bikram, le yoga suspendu, le paddle yoga, le power yoga, le yoga du rire et bien d’autres.
Il semble que certaines personnes (pas forcément sages ni maîtres yogi !) n’aient pas hésité à s’approprier le terme yoga ,afin de pouvoir surfer sur cette mode du yoga, parfois uniquement pour attirer des clients et en tirer des bénéfices financiers.
En effet certaines pratiques proposées aujourd’hui et qui se présentent comme « yoga » semblent n’avoir aucune parenté avec les yogas d’origine. De plus, certaines de ces pratiques ne sont pas forcément respectueuses des valeurs du yoga.

Revenons sur la signification du mot « yoga » pour y voir un peu plus clair :

« Yoga » signifie « joug », « union », « relier ».
A l’origine il s’agit d’unir les opposés : le soleil et la lune, le haut et le bas, le ciel et la terre, Shiva (la conscience) / Shakti (l’énergie)…
On s’applique également beaucoup en yoga traditionnel à unir les 3 corps (physique, énergétique et mental) dans une recherche d’unité.

Difficile de discerner ce qu’on veut unir dans des pratiques dans lesquelles il faut enchainer un maximum de postures les unes derrières les autres en allant le plus vite possible.
Idem pour des pratiques qui se veulent le plus « tendance » ou sensationnelles possible et dont le but est de faire des démonstrations de contorsionnisme (Extrême yoga challenge par exemple). Aux Etats Unis on trouve même actuellement des cours de « gun yoga » : pratiquer le yoga avec des armes dans les mains !!!

Mais, pratiques extrêmement farfelues mises à part, force est de constater, même si cela peut parfois agacer, que ces nouvelles formes de yoga trouvent des adeptes.
Finalement ne serait-ce pas un peu la loi de l’offre et de la demande qui s’applique ?
En tout état de cause, il semble que les personnes qui ont créé ces nouvelles formes de yoga n’aient pas hésité à y imposer pour le moins une part d’elles-mêmes, voire parfois des outils marketing pour profiter de la yogamania actuelle.

D’autre-part, s’il est facile de critiquer les personnes qui créent de nouvelles formes de yoga on peut aussi avoir l’honnêteté de reconnaitre que certains de ces « yogas modernes » donnent des résultats intéressants.
Je pense par exemple à une forme de « yoga danse » qui mélange le yoga et la danse intuitive. Pour l’avoir expérimenté j’ai constaté que cette pratique, en prenant des chemins différents de ceux empruntés par le yoga traditionnel, pouvait notamment conduire à une belle activation de l’énergie.
De plus l’enseignante l’amène avec beaucoup de bienveillance, dans une vraie recherche d’unité. 
La part de soi donnée par ces innovateurs peut donc parfois véritablement apporter un plus. Tout dépend de l’intention dans laquelle ces nouveaux yogas sont créés.

 

Si l’on en revient à Sanatana dharma, la tradition hindoue est une approche inclusive, pas exclusive. Tous les points de vue philosophiques (darshana) et leur contraire y sont possibles.

Aussi même si ces multiples influences peuvent parfois irriter les plus traditionnels d’entre nous, ou dérouter les débutants ,nous sommes invités à la tolérance, à percevoir la complémentarité de ces diverses façons de pratiquer le yoga.  

D’ailleurs nous pouvons constater que ces nouvelles formes de yoga n’ont pas remplacé les plus anciennes qui sont toujours bien présentes.

 

 

Du point de vue de la finalité et de l’efficacité du yoga

 

Avant d’envisager d’apporter notre touche personnelle à nos cours de yoga revenons à une question essentielle : dans quel but pratiquons-nous le yoga ?

A la base la pratique du yoga vise l’éveil, la libération, « samâdhi » : se sentir uni avec le tout, connecté à l’univers en général.
Sans forcément viser cet objectif de libération totale, le yoga est un magnifique chemin de connaissance et de travail sur soi qui permet notamment de devenir toujours plus conscient, d’apprendre à progressivement maîtriser l’énergie en nous et d’apprivoiser notre espace intérieur. Cela requiert efforts personnels, autodiscipline et pratique régulière.

Il faut pourtant bien accepter que nos élèves ne viennent pas tous en cours dans cet état d’esprit. La majorité vient tout simplement trouver « bogha », la saveur, le plaisir de vivre dans l’instant un moment agréable.
Aussi la finalité du Yoga épuré à l’occidental serait simplement la détente, le bien-être dans le corps et dans la tête, ce qui finalement est déjà un très bel objectif.

N’oublions pas non plus qu’une bonne partie des personnes qui viennent vers le yoga le font pour se libérer du stress qui les oppresse dans leur vie quotidienne.

Chacun est libre d’emprunter une partie plus ou moins grande de ce beau chemin qu’est le yoga. Savoir s’adapter aux besoins, envies et contraintes de ses élèves et les accompagner est donc une excellente façon de donner de soi !

Ne perdons pas de vue l’efficience du yoga.

Si autant de personnes se tournent aujourd’hui vers cette discipline cela ne peut pas être qu’une question de mode.
Le yoga est efficace ! Il l’est notamment pour lutter contre le stress, pour travailler sur soi, pour améliorer sa santé, pour devenir plus conscient, pour mieux respirer, pour s’assouplir physiquement et mentalement. Bref il nous aide à vivre mieux.

L’un des aspects du yoga qui me fascine le plus , est le fait qu’une pratique aussi ancienne , soit encore aussi bien adaptée à nos besoins. Les personnes qui ont rédigé le" Hatha Yoga Pradipika" ignoraient l’effet que peut produire en nous la réception d’un mail de notre supérieur hiérarchique, ne pouvaient imaginer les embouteillages aux heures de pointe, ou qu’on puisse s’abimer le corps et l’esprit à passer des heures derrière des écrans d’ordinateurs, et pourtant…les techniques qui sont décrites dans ce texte ,sont efficaces pour nous aider dans cette vie rythmée par internet et le souci de faire toujours plus et plus vite.
Bien entendu si l’on prend le texte au pied de la lettre certains conseils paraissent quand même un peu anachroniques. Prenons l’exemple des conseils alimentaires, les légumes en trop grande quantité seraient déconseillés, la nourriture devrait être grasse et mélangée avec du lait et du ghee. Pas vraiment conforme à notre vision actuelle de la diététique !
Mais avec une lecture plus profonde, quelques explications et interprétations ce texte et d’autres textes traditionnels peuvent nous apporter beaucoup.

Nous pouvons donc en déduire, qu’il est nécessaire d’adapter la pratique du yoga aux époques et aux besoins des personnes qui le pratiquent.
Le professeur de yoga a donc un rôle à jouer sur l’interprétation et l’adaptation des pratiques originales aux possibilités concrètes de ses élèves.
Toutefois il parait indispensable de ne pas tomber dans les travers de la mode, ou de l’égo de certaines personnes, qui s’autoproclament maître yogi et de conserver l’essence et la cohérence de la pratique.
En effet, une pratique est cohérente dans son ensemble, et bien qu’une certaine ouverture d’esprit soit nécessaire, il ne parait pas souhaitable de mélanger différents yogas.

 

Enseigner le yoga c’est donc s’adapter à un groupe d’élèves. Ses besoins sont différents des nôtres et peuvent différer pour chacun des participants.

Finalement donner une part de soi c’est surtout être à l’écoute, sentir les besoins du groupe et savoir s’y adapter, faire preuve d’imagination et d’expérience pour permette à chacun de pratiquer malgré les difficultés personnelles qu’il peut rencontrer.

C’est une tâche qui peut être difficile, surtout si dans un même groupe, il y a des différences importantes de niveau.

 

Du point de vue du choix du professeur

 

Si l’enseignant de yoga était un simple transmetteur d’un savoir qui lui a été enseigné, nous serions indifférents quant au choix de notre prof.

Or en pratique il n’en est rien et les cours d’essais sont indispensables.

Deux enseignants issus pourtant de la même formation n’attireront pas les mêmes élèves.

Parfois, cela ne s’explique pas, le courant passe ou non selon l’alchimie complexe des relations humaines.

Essayons tout de même de comprendre de manière pragmatique, les raisons qui peuvent conduire au choix d’un professeur.

 

Energie masculine / Energie féminine

Peut-être bien parce qu’ils sont plus rares ou peut-être bien parce que les élèves des cours de yoga sont en grande majorité des femmes et que naturellement les deux pôles (Shiva / Shakti) s’équilibrent, il semble que les hommes professeurs de yoga aient plus de succès que les femmes. Néanmoins qu’on soit homme ou femme , nous avons tous en nous une proportion différente et variable dans le temps, entre nos énergies solaires et nos énergies lunaires.

Ainsi certains rechercheront, au-delà du genre, un professeur plus extraverti, plus terre à terre. Un prof qui sera peut-être plus directif, correctif.

D’autres, rechercheront de la douceur, des cours plus intellectuels, un prof qui laisse une place importante à l’intuition et au ressenti de l’élève.

L’exemplarité du professeur

L’image que renvoie le professeur lors d’un premier cours parait très importante.
Je me souviens d’un cours de yoga avec une nouvelle enseignante. En la voyant évoluer durant le cours j’ai éprouvé une sincère admiration. Elle incarnait le yoga. Quelle fluidité ! Elle semblait aussi bien dans son corps et dans sa tête, qu’un chat lorsqu’il s’étire. Et surtout ,elle dégageait toute cette aisance, avec beaucoup de finesse et d’humilité.
J’ai trouvé son cours plutôt difficile mais je savais que c’était avec elle que je voulais apprendre.

Souvent, pour le néophyte la compétence du prof est illustrée exclusivement par sa souplesse mais le yoga ne se résume pas au corps physique. Il serait tellement dommage de se priver de tout le reste.

Il existe des formations accélérées de professeur de yoga. Ainsi toute personne n’ayant jamais pratiqué le yoga , mais assez sportive ou naturellement souple, peut devenir enseignant de yoga en quelques mois et montrer des postures physiquement parfaites. Mais qu’en est-il de l’enseignement théorique, du fondement, de la philosophie, du pranayama (travail sur le souffle), des mudras (gestes), de la recherche d’unité ou encore de toute l’évolution de la conscience qui se fait pas à pas, sur plusieurs années dans le cadre d’une formation complète ?
J’ai aussi pu expérimenter qu’on peut enseigner le yoga, sans pour autant avoir un corps parfait qui permette de présenter les postures de manière impressionnante. Quelqu’un qui sait expliquer les différentes pratiques avec pédagogie, guider avec bienveillance, peut s’avérer à mon sens un meilleur enseignant qu’un professeur physiquement très souple.

Le fait d’être naturellement très souple peut bien entendu constituer un bel avantage mais cela peut aussi représenter une difficulté pour enseigner. En effet, il sera plus difficile de comprendre et d’expliquer les pratiques à des personnes plus raides, si l’on n’a pas nous même expérimenté ces difficultés.

Lorsqu’on choisit un professeur de yoga c’est aussi et surtout l’état d’esprit qu’il dégage qui importe, sa façon d’être.

En général on attend d’un enseignant de yoga un certain recul, un certain détachement, une certaine sagesse.

J’ai pris un jour un cours d’essai avec un prof qui certes réalisait parfaitement les postures et avait beaucoup de connaissances et d’expérience. Néanmoins il générait un tel climat de tension qu’il m’a fait fuir.   

L’exemplarité est bien entendu subjective. Certains pratiquants rechercheront un modèle de souplesse ,d’autres un modèle de « zenitude ». D’autres encore recherchent quelqu’un qui les fait rêver parce qu’il a su prendre une voie différente, sortir du troupeau, ne plus être un « pashu ».

Enfin, certains ne rechercheront pas un modèle, mais simplement une personne avec qui ils se sentent bien et en confiance.

Lorsque nous décidons de suivre la formation d’enseignant de yoga, nous n’avons pas tous la même finalité. Certains font la formation simplement pour approfondir leur pratique personnelle, d’autres pour enseigner, d’autres pour avoir un nouvel outil à leur actif dans le cadre d’une autre discipline (par exemple un thérapeute qui veut pouvoir s’enrichir d’autres techniques).
Tout cela induit que nous ne proposerons pas tous la même chose et pourront répondre à des besoins très différents.

Plusieurs enseignants au cours d’une vie

Personnellement j’ai eu besoin de changer de yoga et d’enseignants plusieurs fois au cours de ma pratique. Un professeur nous conviendra mieux à un moment de notre vie qu’à un autre.
Dans un moment de ma vie où j’étais particulièrement stressée et fatiguée j’ai rencontré une enseignante qui donnait des cours de hatha-yoga très doux, assez simples techniquement mais très relaxants. C’était exactement ce dont j’avais besoin à ce moment là. Cette enseignante m’a appris à respirer, à me poser, à m’accorder un moment pour moi. C’était une étape importante.

Plus tard, j’ai eu besoin d’élargir ma pratique, d’y donner plus de fondements philosophiques, de me rapprocher de la tradition et, un autre yoga s’est présenté (le nâtha-yoga) avec une autre enseignante.

Je pense aussi que l’enseignant évolue dans sa façon d’enseigner. Le yoga est un art de vivre tellement riche qu’à mon sens, on apprend et on évolue jusqu’à la fin de sa vie ainsi que nos cours.

En pratique, pour avoir questionné un certain nombre d’adeptes, il s’avère que souvent, une personne qui décide de choisir de faire du yoga ne choisit pas son cours en fonction du type de yoga qui y est enseigné. En effet, avant d’entrer vraiment dans le monde du yoga, la plupart des élèves ne font pas vraiment de distinction entre une école de yoga ou une autre.
Ces personnes choisissent un cours en fonction du lieu et du professeur.
Il semble donc qu’il y ait autant de yogas que d’enseignants de yoga.
La part de lui-même que donne l’enseignant est donc un élément naturel et important.

 

Du point de vue de l’endroit où nous enseignons

 

Je me souviens de mon tout premier cours de yoga. Il avait lieu dans une salle qui faisait partie d’un complexe municipal dans lequel il y avait une piscine.
La salle était grande, impersonnelle, les bruits de la piscine très présents.

Quelle déception ! Une enseignante qui n’expliquait pas, un lieu d’agitation, des plafonds immenses, des odeurs de javel…

Je passais mon cours à regarder la pendule. J’ai rapidement abandonné, frustrée.
Peut-être n’étais-je pas prête pour pratiquer…mais probablement que dans un autre cadre, les choses se seraient passées autrement.

Bien plus tard j’ai cherché une école de yoga qui soit située près de mon travail. J’en avais sélectionné plusieurs, et avais prévu un cours d’essai dans chacune.

Lors du premier cours d’essai j’ai été accueillie dans une toute petite salle. L’école se situait dans un vieil immeuble. Une fois à l’intérieur on accède à la salle par un petit escalier. Le vestiaire est tout petit. Le plafond est bas. Il n’y a pas beaucoup de place mais tout est bien rangé. La couleur des tapis, des couvertures, des zafus… a été coordonnée, tout a été choisi avec gout. Et finalement de cette toute petite salle il se dégage une atmosphère de sérénité et d’intimité. On s’y sent bien. C’est comme si une fois qu’on avait monté l’escalier, plus rien ne pouvait nous atteindre. Notre corps et notre esprit pouvaient facilement s’apaiser.

Je ne suis pas allée aux autres cours d’essais. J’avais trouvé.

Mettre de soi dans sa salle de yoga cela peut être aussi prendre des mois ou des années  pour trouver le bon endroit, la relier à la tradition avec de belles représentations des divinités, mettre à disposition des coussins colorés de différentes tailles, des couvertures toutes douces, du thé, un miroir pour se recoiffer... Ou plus exceptionnel : augmenter le taux vibratoire de l’école en reconstituant la représentation symbolique du muladhara chakra au centre de la salle avec tous ses détails : le carré jaune, le triangle rouge, le cobra et surtout un très grand lingam noir !

Bien entendu en tant qu’enseignant nous n’avons pas forcément le choix (au moins au départ) de l’endroit dans lequel nous donnons nos cours et devons nous adapter.

Mais dès lors qu’on en a l’occasion , je pense qu’il y a là un soin particulier à apporter.

Même si nous devons enseigner dans une salle impersonnelle on peut prendre soin de préparer la salle avant l’arrivée des élèves (disposer les tapis, ranger les zafus, diffuser de l’encens ou des huiles essentielles, afficher des yantras...).
Ainsi mettre de soi dans la salle, c’est aussi et tout simplement veiller à ce que les pratiquants puissent se sentir bien.

 

Du point de vue de l’échange énergétique

 

Qu’on le veuille ou non, pendant un cours de yoga , il y a un échange d’énergie qui s’opère dans le groupe.

Par exemple il est beaucoup plus porteur de pratiquer kapâlabhâti au sein d’un groupe de 15 personnes qui coordonnent leur souffle que seul dans sa chambre.

Lorsque je suis malade, je me sens toujours beaucoup mieux après un cours de yoga collectif.
Le plus surprenant c’est que cela marche aussi lorsque j’enseigne. Le fait d’avoir donné le cours a aussi un effet bénéfique.

Bien entendu cela reste difficile à expliquer mais cela fonctionne.

C’est aussi cela le yoga, découvrir que nous sommes tous reliés.

Ainsi qu’il le veuille ou non, le professeur de yoga offre une part énergétique de lui-même , et reçoit en retour l’énergie du groupe.

Il est important de noter que, comme tout être humain, un enseignant de yoga peut avoir des moments où il va moins bien physiquement ou moralement. Tout comme nous échangeons de bonnes énergies ,nous pourrions donc être amenés à diffuser des énergies moins positives.  A nous d’être vigilants, d’être conscient de notre état d’être et d’utiliser les outils que le Yoga nous offre pour inverser la tendance !

Selon la légende contemporaine du 100ème singe, une technique (laver sa patate douce dans l’eau du ruisseau) se serait répandue depuis un petit groupe de singes à toute la population des singes de la même espèce, sans aucun apprentissage, après que les 99 premiers singes aient acquis cette technique par un processus d’apprentissage par imitation.
Cela laisse penser que plus nous sommes nombreux à enseigner et à apprendre le yoga plus nombreux seront les personnes sur la planète à en bénéficier et ce de plus en plus facilement.

C’est une motivation supplémentaire pour apprendre et partager !

 

Du point de vue des excès

 

Certains élèves voient le prof de yoga comme quelqu’un qui détient des savoirs ésotériques, voire même certains pouvoirs (siddhi).

Un enseignant peu scrupuleux pourrait se laisser entrainer par son ego , et profiter de la situation pour avoir de l’emprise sur ses élèves , en devenant une sorte de guru dans le mauvais sens du terme.

Ce serait complètement contradictoire avec le yoga. 

 

Conclusion

 

Au-delà de l’aspect mythique et bien que l’histoire du sage Matsyendra (poisson transformé en humain par Shiva pour qu’il enseigne le yoga aux hommes) soit très belle, nous avons vu que nous pouvons penser de manière réaliste que le yoga – même traditionnel - enseigné aujourd’hui, a fait l’objet de nombreuses adaptations et interprétations par des hommes et des femmes, et que cela était indispensable , tout au moins pour qui n’est pas renonçant.

Je n’ai aucunement la prétention , ni la volonté de créer (encore) un nouveau yoga, ni même de modifier les pratiques qui m’ont été enseignées.

Pouvoir transmettre ce savoir, faire en sorte que de plus en plus de personnes aient accès à ces précieux outils est déjà en soi une très belle mission.

Néanmoins, chacun a sa propre façon de guider, d’amener les pratiques, quelque chose de particulier à offrir. Cette spécificité qui fera qu’il faudra aussi accepter de ne pas faire l’unanimité. Cette créativité qui est essentielle pour donner de la saveur à nos cours.

C’est le yoga qui nous permet de distinguer en nous-même ce qui nous appartient en propre, de ce qui appartient aux fonctionnements et conditionnements de l’espèce humaine. Il serait donc d’autant plus dommage de ne pas utiliser cette part de nous, dans nos cours de Yoga.

Bien entendu la part de créativité augmentera avec le temps et l’expérience.
Si l’on compare cette évolution avec les 3 voies classiques du tantrisme, au départ nous sommes plutôt dans la « voie de l’individu ». Il faut préparer les cours avec méthode et rigueur.

Ensuite, tout le travail effectué portera ses fruits et nous pourrons nous laisser davantage porter dans la « voie de l’énergie ». A ce moment là nous pourrons plus facilement détecter les besoins de l’élève, jongler avec les pratiques, improviser, tester, oser…
Nous pourrons également sentir l’énergie qui se dégage d’un groupe et jouer avec les techniques pour induire des effets particuliers, comme ûrdhvaretas (la remontée des énergies) ou pratyâhâra (le retournement des sens).
Enfin, dans quelques moments de grâce les choses se feront d’elles-mêmes avec fluidité et synchronicité dans la « voie du cœur ».

Finalement dans un cours de yoga on retrouve un peu de Vishnu (conservation des bases et de la cohérence de la pratique traditionnelle), un peu de Brahma (la part de créativité de l’enseignant) et même un peu de Shiva, principe destructeur qui permet de changer, adapter, faire évoluer la pratique.

Alors oui, nous donnons forcément une part de nous même lorsque nous enseignons le Yoga. Cela ne s’oppose pas à la tradition. Au contraire nous mettons notre créativité au service de la transmission de la connaissance.

L’important est de ne pas se perdre dans l’ego, de rester dans une intention de partage et d’ouverture du cœur.

 

 

                                                                                                Virginie ROSIER VARAGNAT

                                                                                                       le 30 juin 2019

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