Activer l'énergie dans les chakras

Chakrasana, la posture de la roue, est une belle flexion arrière qui est plus connue dans certains cours de yoga sous le nom du « pont », mais aussi dans les cours de récréation où certains enfants la réalisent comme un jeu. Une fois de plus les enfants exécutent spontanément des exercices de yoga sans le savoir, ce qui montre que les jeux de l'énergie sont innés.

chakrasana la posture de la roue

Symbolique de chakrasana

Chakrasana signifie la posture de la roue, l'analogie est évidente lorsque l'on voit l'asana exécuté, surtout si l'on ramène les mains près des pieds. Mais si la référence est physique elle est également énergétique car cette posture est censée mettre en mouvement les différentes roues d’énergie ou chakra.
La roue est un symbole majeur dans la tradition indienne, elle exprime à la fois l’errance (roue du samasara ou cycle des existence conditionnées) et la possibilité de l'éveil (roue du Dharma mise en mouvement par le Bouddha). Mais la voie du milieu enseignée par le Bien Heureux est avant tout pour les yogis à réaliser dans son propre axe ou canal médian (sushumna nadi). C'est en effet dans la nadi centrale que la dualité peut se résorber, là où se croisent ida et pingala les canaux lunaire et solaire. Ces croisements énergétiques sont appelés chakra, on en dénombre 6 principaux, le 7ème (sahashrara) souvent mentionné échappant à toute polarité. On sait que les analogies entre microcosme et macrocosme sont nombreuses dans le hatha yoga. Les roues d’énergie dans notre corps subtil renvoient à la rotation des corps célestes autant qu'à celle des électrons. Dans la pratique la roue est également évoquée par le mala que le yogi égraine en répétant les mantras et par les cercles de pratiquants qui se relient tous au même centre au cours des rituels.

Exécution de chakrasana

La position de départ est allongée sur le dos, jambes pliées, les pieds parallèles avec un écartement de la largeur du bassin (voir photo n°1). S'il est difficile de monter on peut écarter d'avantage les pieds.
Poser les mains à plat sur les cotés en repliant les bras (voir photo n°2).la posture de chakrasana
Si les mains sont près de la tête et un peu écartées, il sera plus facile de monter que si les mains sont placées sous les épaules au départ. Cependant ce second positionnement fera une posture beaucoup plus tenue et intense. De la même façon plus les pieds sont proches l'un de l'autre ou plus ils sont proches des fesses au départ, plus la posture sera difficile à exécuter mais plus l'intensité en sera grande. Dans tous les cas il faut veiller à avoir à peu près le même écartement entre les pieds et entre les mains.

Pour prendre la posture directement il suffit de lever le bassin en poussant sur les bras et les jambes pour se retrouver arc-bouté sur les pieds et les mains, la tête relâchée en arrière (voire photo n°4).
Il est possible d'intensifier au niveau physique en joignant les pieds et les mains après être monté, voire en ramenant les mains contre les pieds mais cette variante est réservée aux personnes hyperlaxes.

chakrasana, la posture de la roueIl est possible également de passer par une phase intermédiaire où on pose le haut du crâne au sol (voir photo n°3). À partir de ce positionnement, monter dans la posture finale en tendant les bras et les jambes (photo n°4).
Pour les personnes qui n'arriveraient pas à monter, elles peuvent rester dans cette phase intermédiaire qui est une bonne préparation à l'attitude finale et dans laquelle on peut déjà faire circuler le souffle comme décrit plus bas.

Pour monter, nul n'est besoin d'avoir des muscles de camionneur, ce n'est pas tant une question de force mais plus une impulsion qui doit venir également du ventre. Placer mula banda (contraction anale) et kechari mudra (langue repliée contre la palais) facilite la prise et la tenue de la posture qui doit également être exécutée le regard posé sur un point au sol entre les mains. Il est important de maintenir cette fixation oculaire de façon très stable, de même que mula banda et kechari mudra.
Lorsqu'on est très à l'aise le regard fixé au sol on peut intensifier en plaçant shambhavi mudra (les yeux convergeants vers le haut du front).

Dans un premier temps, faire circuler le souffle avec ujjayin (l'air un peu retenu dans la gorge) dans l'axe en sentant un courant énergétique le long de la colonne étape intermédiaire avant chakrasanavertébrale, de l'anus jusqu'à la fontanelle à l'inspire et en trajet inverse à l'expire. Accompagner ce mouvement avec le mantra HAM SA ou SO HAM (la 1ère syllabe à l'inspire, la seconde à l'expire). Ce souffle peut aussi être exécuté sur un temps d'inspiration pour deux temps d'expiration toujours avec ujjayin. Faire circuler le souffle dans l'axe, que ce soit avec un mantra ou un décompte permet de relier tous les chakra dans l'énergie du souffle et dans la conscience.
Si on est à l'aise dans ce souffle on peut placer des arrêts à poumons pleins (antar kumbhaka) pour arriver au rythme 1-4-2 (un temps d'inspiration, 4 temps à poumons pleins et 2 temps d'expiration.). Par exemple, compter 3 à l'inspiration, 12 à poumons pleins et 6 à l'expiration. Mais ce rythme n'est pas si facile à exécuter, il faut être bien à l'aise dans la posture et dans le souffle pour l'adopter. Si on fait des arrêts à poumons pleins, on peut se concentrer dans un chakra particulier. On a le choix entre les 6 car il est dit que cette posture active tous les centres.
Une pratique plus poussée consiste à faire un bhastrika (soufflet de forge) dans chaque roue en sentant l’énergie en expansion à l'inspiration et en rétraction à l'expiration. Le bhastrika sera suivi d'un arrêt à poumons pleins avec expansion de l'énergie en continu. On peut ainsi faire de la sorte dans les 6 chakras en utilisant OM à l'inspiration et le bija du centre à l'expiration : OM LAM dans la base (muladhara), OM VAM dans le pubis (svadisthana), OM RAM dans le ventre (manipura), OM YAM dans le cœur (anahatha), OM HAM dans la gorge (vishuddha), OM OM dans le front (ajna chakra). Ainsi, chaque centre est stimulé avec son bija propre et tous les centres sont harmonisés dans les arrêts de souffle qui sont accompagnés du OM en continu. Pendant les arrêts de souffle il est important de tenir les mudra de façon plus précise, ferme et stable (mula bandha, langue et regard). Cette façon de faire n'est pas accessible aux débutants, il faut avoir une bonne aisance dans la posture physique et une bonne expérience du bhastrika en assise. Si on travaille avec bhastrika dans les centres on n'est pas obligé de faire les 6 à chaque fois, on peut se concentrer sur un ou deux centres en particulier pour y débloquer le souffle ou pour le stimuler. De toute façon il faut un certain entraînement avant de pouvoir enchaîner la série complète.
Si on pratique cet asana de façon suivie il est possible de faire un chakra différent chaque jour et la série complète le dimanche !

Pour quitter la posture, le faire toujours sur une expiration, puis relâcher le corps au sol en cadavre (shavasana) en demeurant dans la détente et dans la saveur. Si l'on a un peu poussé la pratique c'est un temps d'apaisement extraordinaire.

Précautions et contre-indications

Attention à ne pas glisser à cause des chaussettes ou de certains supports trop lisses. Si on ne dispose pas de tapis anti-dérapant, ou si on veut jouer la sécurité, il est possible d'appuyer les mains ou les pieds contre un mur, voire de se placer entre un mur et un second support disposé préalablement.
Des douleurs dans les épaules, les poignets ou les hanches ne constituent pas une contre-indication, en revanche être très vigilant en cas de problème cardiaque, de hernie inguinale et de grave problème de colonne vertébrale.
Dans tous les cas il est recommandé de ne pas forcer et d'aller très progressivement dans cette pratique, en acceptant ses limites, sans esprit de compétition. Certains élèves peuvent rester plusieurs semaines, voire plusieurs mois dans la posture intermédiaire avant de trouver l'impulsion qui les fera monter dans la posture finale. Chacun son rythme !

Effets de chakrasana

Chakrasana est réputée être une posture de vitalité, de santé, de légèreté, de force et d'endurance.
Elle a un impact direct sur la colonne vertébrale en la repositionnant et en favorisant la flexion arrière. Elle débloque les épaules, les hanches et le bassin. Elle détend le système nerveux en amenant un réel apaisement physique et mental. Elle favorise une bonne circulation du souffle en libérant les blocages énergétiques au niveau des différents chakras.
Alors que la plupart des postures agissent principalement sur deux ou trois centres d'énergie, chakrasana a tendance à activer en même temps tous les chakras, même si cette stimulation a surtout des répercutions au niveau physiologique. Chakrasana ne fait pas partie des grandes postures du hatha yoga, elle n'en constitue pas moins une belle attitude qui peut amener rapidement des effets concrets et favoriser la détente et la sérénité.

Khristophe Lanier

Publié dans InfosYoga n°96 mars/avril 2014